« Que s’est-il passé ? » Noé Jordania. Paris 1925

Pour recontextualiser et éclairer les pages qui vont suivre, nous vous recommandons de faire précéder leur lecture par celles

de Vlassa Mguéladzé :  » Souvenirs «  

et de D. Charachidzé : » L’insurrection de 1924 et la terreur » 

QUE S’EST-IL PASSE EN GEORGIE ?

 L’insurrection de la Géorgie a eu lieu.

La défaite de la Géorgie a eu lieu.

Que nous apprennent ces deux événements considérables ? Comment doit-on les envisager et quelles conclusions en tirer ?

Nos ennemis écrivent beaucoup sur le sujet ; tout un troupeau de plumitifs mercenaires profite largement de la défaite physique de notre nation et tente de nous abattre moralement. Les lâches et les renégats ont rejoint cette sarabande et  festoient sur les ruines de la nation.

Leur temps est-il véritablement venu ? Reculons-nous vers la défaite et le néant ? Sommes-nous réellement politiquement et moralement vaincus ?

Examinons la question.

1/ les aspects positifs de l’insurrection

Les exemples d’insurrection ne se comptent plus dans l’histoire. Deux situations les caractérisent : l’aspect organisationnel – préparation clandestine, et l’action armée – éclatement et déroulement de l’insurrection.

L’insurrection de la Géorgie obéit à ce schéma, mais s’en distingue par une caractéristique spécifique. En règle générale, une organisation clandestine n’est pas en mesure de mettre en mouvement de très larges masses d’insurgés ni de les amener sur le terrain d’affrontements. C’est pourquoi presque toutes les célèbres insurrections débutent en un seul endroit, en un centre, tout au plus en deux endroits, puis se propagent ou sont écrasées sur place. En Géorgie, l’insurrection s’est produite simultanément en de nombreux lieux différents, dans des provinces et endroits relativement éloignés les uns des autres. A l’heure dite, d’innombrables personnes se sont dressées, et les masses ont rejoint le mouvement. Ce type d’organisation clandestine d’une insurrection de masse est rarissime. Il s’agit tout à la fois d’une insurrection et d’une révolution. En elle l’organisation politique et la force du peuple se sont unies.

L’insurrection géorgienne signifie, d’une part, la conspiration et la discipline suprêmes de nos organisations interdites et, d’autre part, la manifestation claire de l’aspiration et de la soif politique du peuple. Ces deux sources d’unanimité ont incontestablement formé une seule et unique entité de chair et de sang.

L’insurrection a également démontré un autre fait tout aussi incontestable : la fracture totale entre les bolcheviks et le peuple, et leur appartenance au camp ennemi. C’est la situation habituelle des tyrans. Gouverner par la terreur a pour conséquence d’isoler les gouvernants de la société. Les gendarmes du tsar Nicolas avaient plus de relations avec le peuple que les bolcheviks n’en ont aujourd’hui. Le peuple a peur des bolcheviks, il se méfie de leurs intentions, il ne leur ouvrira pas son cœur et ne les laissera pas y pénétrer.

Chaque bolchevik a bien plus de droits sur les personnes que les rois n’en avaient. Il suffit d’être considéré comme un ennemi par l’un d’entre eux pour qu’on vous ôte la vie ou vos biens, ou les deux à la fois. C’est ainsi que s’explique cette histoire inouïe : de manière totalement inattendue pour les dominants, le peuple se dresse une nuit, jette en prison les communistes et proclame son pouvoir ! Une telle conspiration est sans précédent, elle ne peut se produire que là où les ponts sont entièrement coupés entre le peuple et le pouvoir en place, la frontière infranchissable tracée.

Encore en mai et dans les mois précédant l’insurrection, le parti communiste annonçait officiellement dans un de ses rapports : « Du camp adverse, les forces telles que le parti menchevique, le parti national-démocrate et l’organisation des jeunes marxistes[1] ont totalement ou presque totalement disparues » Les renégats comme Roukhadzé, Parnievi et Cie annonçaient à tous les carrefours la défaite des mencheviks.

Et voilà que ce parti « disparu », « défait », sort de la clandestinité et le peuple tout entier le suit !

Et le parti communiste est rejeté !

La nation géorgienne ne suivrait-il que les partis persécutés ?! Pour quelle raison ? La réponse va de soi. Seuls ces partis se battent pour les idéaux du peuple, pour son existence et sa prospérité. Le peuple géorgien souhaite être son propre patron, son propre maître, posséder son propre état qu’il organise selon ses besoins. En août dernier, c’est justement ce drapeau national et démocratique qu’il a déployé, ce drapeau qui flotta pendant trois ans aux faîtes de la Géorgie d’où une main méprisable l’a arraché. Maintenant, le peuple le garde au fond de son cœur et l’en retirer est devenu impossible.

Le 28 août, la nation géorgienne s’est réunie sous ce drapeau et a versé son sang pour le défendre. La nation a ainsi publiquement posé la question géorgienne et suscité l’attention de tous les pays. Une seule « sortie » ne peut libérer la nation mais elle fait avancer la cause de sa liberté. L’ennemi comme l’allié doivent être convaincus de notre désir de libération. Ce désir ne s’exprime que dans la lutte, l’action collective. Ainsi, en s’insurgeant, notre pays a manifesté son désir, et par son sacrifice il a fait connaître à l’humanité son drapeau et ses aspirations. Il a reçu sa consécration de l’humanité et est rentré dans sa famille de plein droit.

Ainsi, l’insurrection d’août eut d’énormes conséquences positives. A l’intérieur, elle a réuni la nation entière, elle a creusé un fossé entre nous et l’ennemi. A l’extérieur, l’insurrection a placé notre cause à l’ordre du jour de la politique internationale.

C’est justement pourquoi les bolcheviks la combattent et la présentent comme une « aventure ». Ils ont été suivis par certains des nôtres qui, sans aucun examen critique, ont cru au tour de prestidigitation opéré par l’ennemi. L’évaluation d’un événement est difficile pour les « égarés ». Leur logique est très simple : l’insurrection victorieuse est acceptable, l’insurrection vaincue est inacceptable – voilà leur règle de base. Est-ce vrai ? Cette idée a-t-elle un quelconque rapport avec la révolution et le socialisme ? Non, aucun.

En effet, nous célébrons nombre d’insurrections vaincues et blâmons nombre d’insurrections victorieuses. Par exemple, les insurrections ouvrières de 1848 et 1878 à Paris ; l’insurrection de décembre 1905 à Moscou, l’insurrection de Cronstadt en 1921, etc… Doit-on les condamner sous prétexte qu’elles ont été battues ? Considérez les insurrections nationales – de la Pologne en 1831 et 1863, de la Hongrie en 1849, de Cracovie en 1846, etc… Elles ont toutes échoué mais elles occupent une place d’honneur dans l’histoire mondiale. La prise de conscience des nations commence justement avec ces événements-là. Prenons une insurrection victorieuse, celle des bolcheviks (en octobre) ; du fait qu’elle soit victorieuse en est-elle pour autant acceptable ?

L’insurrection ne se mesure pas à l’aune de la victoire ou de la défaite mais de tout autre chose, sans relation directe avec ses conséquences immédiates. La seule mesure de l’insurrection est son but politique, son étendard, son idéologie. Le partisan de cette idéologie est aussi prêt au sacrifice. L’adversaire de cette idéologie est aussi l’adversaire de l’insurrection menée en son nom. Les insurrections parisiennes furent blâmées par les bourgeois, et louées par les socialistes ; le coup d’état d’octobre est loué par les bolcheviks et désapprouvé par les socialistes. Si l’objectif est acceptable, il est impossible de l’atteindre sans sacrifice ni combat. Là se pose la seconde question : comment obtenir le maximum de résultats avec le minimum de sacrifices possible ? Ceci est une question de calcul et non de principe, et le calcul ne se vérifie pas toujours.

Selon Marx, l’insurrection est un art analogue à la guerre[2]. On ne peut pas jouer avec. L’insurrection comme la guerre est un moyen extrême qui peut mal finir. Ainsi, l’Allemagne a commencé la guerre et l’a perdue. Evidemment, l’insurrection doit se produire dans des conditions favorables. Le peuple doit pouvoir s’attendre à de telles conditions. Mais il y a une circonstance où celui qui souffre perd patience : le joug cuisant de l’ennemi. Plus il est insupportable, plus le peuple est pressé de s’en débarrasser. C’est pourquoi Marx dit : « ce n’est pas le peuple qui fait l’insurrection mais le tyran juché sur son cou. » Le peuple géorgien a supporté pendant trois ans et demi la tyrannie bolchevique et a fini par exploser. Qui peut lui jeter la pierre ? Seuls les ennemis de la Géorgie, seuls les bolcheviks. Et c’est ce qui s’est produit. Tout non bolchevik, toute l’humanité manifestait sa sympathie et souhaitait sa victoire. Le 28 août, il a écrit sa volonté avec des lettres de sang dans les annales universelles.

« La révolte contre la tyrannie est affaire divine », disaient les anciens grecs. Il faut donc qu’il y ait tyrannie, suppression de tous les moyens légaux d’expression de la volonté de la population et de lutte. Acculé à cette situation, le peuple n’a d’autre issue que de prendre les armes pour se défendre. Des événements tragiques, des épisodes dramatiques peuvent alors se produire mais en aucun cas une « aventure » ou quelque chose de risible. Les insurrections en pays démocratiques telles que les bolcheviks en organisent avec zèle (en Allemagne, en Estonie, etc.) sont, effectivement pour ce qui les concerne, en tout point « une aventure » et produisent un effet risible sur la population. Et cela parce que toutes les portes de la société sont grandes ouvertes. Les mouvements et la lutte ne sont pas interdits, la liberté est établie, on ne trouve même pas un germe de tyrannie et, par conséquent, le peuple n’est pas obligé de recourir aux armes.

Par conséquent, l’insurrection de la Géorgie, provoquée par la tyrannie de Moscou, représente un événement considérable du mouvement de libération nationale. Elle tient une place centrale dans notre histoire moderne, et rassemble autour d’elle la totalité des forces vives.

2/ les aspects négatifs de l’insurrection

Reconnaître les aspects positifs de l’insurrection ne signifie pas pour autant que les aspects négatifs en soient absents. Ses défauts, son manque d’organisation, sont si évidents qu’il est nécessaire d’en faire l’examen approfondi.

Le défaut fondamental de l’insurrection réside en ceci que de son centre de gravité formé par des sorties armées il est passé à des sorties sans armes, dans le mouvement révolutionnaire. La révolution a recouvert l’insurrection et a ainsi affaibli ce mouvement. Ces deux actions sont des phénomènes totalement différents, obéissant à des lois différentes et suivant leur propre chemin. La révolution – c’est l’abrogation d’un régime politique et le transfert du pouvoir entre les mains de nouvelles classes. Pendant ce processus, il est aussi possible qu’une insurrection se produise. Mais cela ne constituera pas un épisode, un événement temporaire, occasionné par les principes mis en avant par la révolution pour les faire passer de force dans les faits. Telle l’insurrection du 10 août de la grande Révolution française qui eût pour conséquence la convocation de la Convention Nationale et la proclamation de la République. La Révolution n’a ni débuté ni fini avec cette insurrection ; Ce furent les opérations militaires qui en constituèrent l’objet principal. Marx l’explique ainsi :

« L’insurrection est un calcul avec des grandeurs inconnues dont la valeur peut varier tous les jours ; les forces que vous combattez ont sur vous l’avantage de l’organisation, de la discipline et de l’autorité traditionnelle ; si vous ne pouvez leur opposer des forces supérieures, vous êtes battu, vous êtes perdu. Deuxièmement, une fois entré dans la carrière révolutionnaire, agissez avec la plus grande détermination et prenez l’offensive. La défensive est la mort de tout soulèvement armé ; il est ruiné avant de s’être mesuré à l’ennemi. Attaquez vos ennemis à l’improviste, pendant que leurs troupes sont éparpillées ; faites en sorte de remporter tous les jours de nouveaux succès, si petits soient-ils ; maintenez l’ascendant moral que vous aura valu le premier soulèvement victorieux ; ralliez autour de vous les éléments flottants qui toujours suivent l’impulsion la plus forte et se rangent toujours du côté le plus sûr ; forcez vos ennemis à battre en retraite avant qu’ils aient pu réunir leurs forces et vous, suivant le mot de Danton, le plus grand maître en tactique révolutionnaire connu jusqu’ici : « de l’audace, de l’audace, encore de l’audace. »[3]

Comme vous le constatez, il faut de nombreuses forces armées et qu’elles attaquent en permanence l’ennemi pour qu’une insurrection triomphe. Davantage de forces militaires et davantage d’audace, telle sont les propriétés indispensables de l’insurrection. Les personnes dépourvues d’armes ne sont qu’un fardeau pour les personnes armées qu’elles rejoignent, mais elles s’avèrent d’une grande aide si elles restent chez elles et assistent les combattants en leur fournissant des vivres, en faisant sortir de nouveaux détachements armés, en recueillant des renseignements sur l’ennemi, etc. C’est selon ces règles que se déroulèrent les insurrections irlandaises au cours des dernières années. On compta jusqu’à dix mille combattants se tenant aux ordres du chef, et le soutien de la nation entière. L’Angleterre du s’incliner devant cette force.

L’insurrection géorgienne s’est produite à l’opposé des règles de base. Là, l’élan révolutionnaire du peuple recouvre entièrement l’action militaire, particulièrement en Géorgie occidentale. Le mouvement est commandé par des personnes sans armes ; les personnes armées sont l’exception. En Géorgie orientale, au contraire, ce sont les détachements armés qui agissent en priorité ; ils sont à l’initiative de l’attaque mais, en raison de leur faible nombre, ne peuvent tenir tête à l’adversaire. Dans ce cas de figure, le mouvement s’apparente davantage à une insurrection qu’à une agitation révolutionnaire.

Les deux types d’insurrection – populaire et militaire – propres à chacune des deux parties de la Géorgie, sont révélateurs des différentes situations politiques et des différents rapports au combat. La partie orientale accorde bien plus d’importance aux armes que la partie occidentale. Traditionnellement, l’orientale corrige ses ennemis les armes à la main, et cette culture militaire lui est restée. L’occidentale n’avait pas besoin de cette permanente auto-défense car elle se trouvait à l’écart de la route de l’ennemi. Si, parfois, le Turc pénétrait en Gourie ou, plus souvent, l’habitant d’Adjarie-Khobouleti, on lui répondait principalement par des combats irréguliers ou même en se réfugiant dans la forêt et en procédant à des attaques de partisans. Dans cette région, la culture militaire est très faible. C’est pourquoi, l’insurrection y a revêtu le caractère d’une manifestation. En août-septembre, la Gourie a totalement réitéré l’insurrection de 1841. Dans les deux cas, le peuple se lève et corrige le pouvoir local – à l’exception de l’Ozourgeti qui, à chaque fois, fut encerclé mais pas pris. Les deux insurrections évitent d’attaquer l’ennemi et attendent son assaut. L’arrêt des deux est à peu près identique – avec moins de victimes et plus de paroles. Samegrelo a répété l’insurrection paysanne de 1859, où les insurgés se vengèrent des grandes offensives militaires. Là encore les hommes sans armes dominaient, mais les armes occupaient néanmoins une place honorable. Dans le district de Chorapni, on voit également un mouvement révolutionnaire et des combats de longue durée. Là, ils accordent encore plus de prix aux armes qu’en Samegrelo et, au-delà des Monts Likhis, cette tendance devient dominante.

Comme vous le voyez, chaque région de la Géorgie confère ses traits particuliers au mouvement. Par exemple, la Svanétie ne se fie absolument pas à une sortie sans armes. Toutes les règles de l’insurrection sont naturellement respectées. Là ce sont, en effet, des détachements militaires qui combattent; le Svan se fortifie pendant longtemps – et ne rengaine son sabre qu’en toute dernière extrémité, lorsqu’il a épuisé ses forces et que toute perspective s’est éteinte. La Géorgie a souvent abandonné la Svanétie dans la difficulté, au temps des rois comme au temps présent de la domination bolchevique. Et en septembre aussi, la Svanétie se rendit, en dernier, à l’ennemi. Les Svans ont pleinement servi la patrie.

Ainsi, plus de forces armées et moins de forces désarmées – cette règle de base de l’insurrection, s’est inversée en Géorgie : plus de gens sans armes que de gens armés. Telle est la première cause fondamentale de la défaite du mouvement.

La deuxième règle fondamentale de l’insurrection – l’attaque du camp principal de l’ennemi- n’a  absolument pas été respectée. De tels camps se trouvaient à Tbilissi et Batoumi. C’était aussi des points stratégiques majeurs. L’insurrection aurait dû débuter par la prise de Tbilissi. Ce qui aurait immédiatement créé une situation révolutionnaire et entraîné le soulèvement de toute la Géorgie, peut-être même de l’Azerbaïdjan et des Montagnards. L’insurrection se serait généralisée dans le Caucase entier, la ligne de front se serait déplacée sur la ligne de crête du Caucase et, ainsi, notre situation internationale se serait soudainement modifiée. La politique internationale consiste en une succession de faits. Elle suit la réalité.

Il est évident que négliger le principal camp ennemi et faire débuter l’insurrection par des points de moindre importance – est la seconde cause fondamentale de la défaite.

Etant donné que  la préparation militaire de l’insurrection souffrait d’un tel manque organisationnel et stratégique, elle ne pouvait, évidemment, se terminer qu’en « putsch» comme disent les Allemands, c’est-à-dire en sortie de groupe, semblable à celles des communistes à Revel ** ; et il y aurait eu encore plus de victimes. Mais les partis politiques et, en particulier, le parti social-démocrate, sauvèrent la situation. Ce dernier a fait sortir les masses sur le champ de bataille et a conféré son caractère populaire à l’insurrection. Cet événement formé dans des conditions défavorables du point de vue militaire, s’est transformé en un événement positif et a assuré la victoire morale de la nation. Les ennemis prirent rapidement la mesure du caractère de ce mouvement et tentèrent d’étouffer l’événement. Mais, personne en Europe ne crut en leur version des faits, aucune agence n’accepta ni ne diffusa leurs dépêches fallacieuses. L’Occident fut d’emblée convaincu du caractère populaire de l’insurrection géorgienne et n’a pas laissé Moscou le falsifier.[4]

Ainsi, la charge de l’insurrection a pesé non sur les guerriers ou les unités armées, mais sur les partis politiques, sur les personnes désarmées, et elle nous a offert ce qu’elle pouvait offrir – la défaite physique, la victoire morale.

3/ La confusion des idées

L’insurrection fut préparée sur le plan politique mais non technique. C’est-à-dire que la ligne politique était juste, totalement populaire et nationale, mais le plan d’exécution militaire ne fut ni juste, ni à la hauteur. De là naît la seule conclusion tactique – la poursuite de la ligne politique, la révision de la ligne militaire. Cette logique naturelle a fâché les liquidateurs d’un nouveau type provoquant une étonnante confusion.

L’insurrection a été vaincue, par conséquent…reconnaissons la domination de Moscou – voilà toute leur sagesse politique. Comme si nous avions jamais dit : l’insurrection ou le bolchevisme. La social-démocratie n’a jamais proféré une telle stupidité. Les moyens de libérer la nation sont multiples et si l’un d’eux se révèle impropre, il faut se saisir d’un deuxième puis d’un troisième.

Une chose est sûre, le soulèvement du 28 août ne doit pas se répéter; il a rempli son rôle et la Géorgie n’a pas besoin de le réitérer. Mais cela ne veut pas dire que la nation géorgienne ne sera pas amenée à prendre les armes et à s’engager dans le mouvement de libération. Dans quelles conditions cela aura-t-il lieu ?

Nous devons nous souvenir d’une situation de base et partir de là. Il s’agit de l’isolement international de Moscou, de son face à face avec le monde. Si la chute du régime soviétique n’intéressait que la Géorgie, notre affaire serait figée dans la glace et les sociaux-démocrates n’auraient pas tiré une traite dessus. En réalité, le monde entier est intéressé à sa chute. Tous les états, le peuple russe lui-même et, donc, nous nous trouvons en bonne compagnie.

La stabilisation du régime bolchevique n’a pas eu lieu et elle n’aura pas lieu, non parce que le régime a beaucoup d’ennemis, mais parce qu’il ne le peut pas organiquement et historiquement. Un état qui ne reconnaît pas le système économique et politique de l’Europe ne peut que s’effondrer, il n’est pas destiné à durer. Le régime soviétique restera jusqu’à sa mort dans une situation critique.

Donc, d’un côté, le mal organique de Moscou, son absence d’histoire et, de l’autre, tous les pays avec lesquels il entretient de mauvais rapports – voilà nos alliés, notre voie de passage. Comment pouvons-nous nous en servir ? Cela ne dépend que de nous. Or, les liquidateurs et les partisans de Devdariani vont, en permanence, conjecturer d’abandonner et de rester dans la servitude à tout jamais.

L’Europe est une grande contrée, la Russie aussi. Modifier leur trajectoire demande du temps. Les personnes pressées perdent patience, le désespoir les prend – « étant donné que cela fait si longtemps qu’on est aux mains des Russes, que va-t-il advenir de nous ? » Mais que représentent quelques années dans la vie d’un peuple ? La question ne se mesure pas à l’aune du temps mais selon sa nature intrinsèque. Si le but est juste, la cause sacrée, le terrain propice, c’est tout à fait  suffisant pour qu’on soit assuré de notre victoire finale.

La libération d’un peuple se réalise avec l’aide de quelqu’un. Aucune petite nation ne s’est libérée par ses forces propres. Il est évident que la Géorgie seule ne pourra vaincre la Russie. Notre peuple le sait parfaitement et c’est pourquoi il pose toujours la question de « qui nous aide ? ». La Pologne s’est soulevée plusieurs fois, elle n’a pu recouvrer la liberté. Finalement, c’est l’Europe qui l’a libérée. Evidemment, personne n’aurait aidé une Pologne soumise. Sans insurrection, sans sang versé, sans combat, la question polonaise ne se serait même pas posée au sein de la politique internationale. Les Tchèques comme d’autres petits pays ont atteint leur but en luttant de même.

En effet, deux occurrences sont nécessaires à la libération d’une nation : son combat et l’appui d’une force extérieure. Le fait que les Géorgiens restent sur une position anti-moscovite et continuent d’œuvrer en Europe donnera ce qui pourra nous être donné dans le temps historique actuel.

Les chercheurs « d’une nouvelle voie » continuent : « cette perspective nous plaît à nous aussi, mais en attendant qu’elle se matérialise, il faut nous protéger ; nous infiltrer auprès des bolcheviks et adoucir leur colère. »

Cet opportunisme n’est pas nouveau : chez nous, il compte cent ans d’histoire. Au siècle dernier, la politique d’infiltration fut représentée par notre aristocratie qui a bien mérité des titres, pensions, subsides reçus à profusion en échange. Qu’a obtenu le peuple ? Rien, si ce n’est le fouet. Le peuple s’est engagé dans le combat révolutionnaire, les opportunistes se sont infiltrés. Et c’est cette politique de vaincu qu’ils exhument des archives et présentent comme « une nouvelle voie » !

L’infiltration est avantageuse pour l’infiltré, préjudiciable pour le peuple. Pourquoi ? La réponse va de soi ! L’infiltration n’est possible qu’à un ou deux individus, à une petite équipe, jamais au peuple. La domination réclame la soumission et si tous deviennent des dominants qui seront les dominés ? Le bolchevisme signifie inégalité, supérieur-inférieur. La bolchevisation de tout le monde supprime le bolchevisme comme la transformation de tous en nobles supprime la noblesse. C’est pourquoi les soviétiques s’évertuent à ce que le nombre de bolcheviques n’augmente pas et ne dépasse pas le seuil fixé. Le communiste est déclaré personne intouchable et l’état tout entier le protège. Le peuple est enchaîné, ces « Messieurs » désenchaînés peuvent impunément caracoler sur le dos des enchaînés. La libération du peuple augure de l’enchaînement de ces voleurs.

Quel bolchevik est son propre ennemi ? C’est pour cette raison que lorsque les candidats à l’infiltration nous dictent notre politique, ils dictent aux infiltrés d’occuper en tant que citoyen les places confortables, de pénétrer les milieux privilégiés et d’ajouter ainsi un poids supplémentaire sur le dos des gens du peuple. Il n’y a rien là de nouveau. Il y a longtemps que les Roukhadzé-Parnievi, commençant et terminant par de grandes promesses, réussissent à « manger et boire tout leur content ».

Non ! Nous jurent les liquidateurs, notre but est vaste, national, accessible, à condition qu’on s’infiltre. On veut bien le croire, leur but est magnifique, mais le moyen inapproprié. Auprès de qui vous infiltrez-vous ? Avec qui établissez-vous des relations ? Eh bien, lisez le calcul publié par le parti bolchevique géorgien et vous connaîtrez mieux ces « Messieurs ». On en déduit ceci : chez nous, il existe deux types de bolchevisme ; l’ancien, dont le leader était Makharadzé, et le nouveau dirigé par Ordjonikidzé et Orakhelachvili. La lutte au sujet de la question nationale a éclaté entre ces deux factions. Le premier s’est infiltré dans l’armée russe et s’est emparé de la Géorgie. Mais, dans le même temps, il a voulu « préserver l’intégrité de la souveraineté de l’état de Géorgie », lutter sur le plan idéologique contre les mencheviks et autres bonnes idées …. ! Le renard s’est pris dans le piège et a simulé le sommeil. C’est un rêve ! A-t-il pensé. Les partisans de Makharadzé ont été envoyés par Moscou pour abolir la « souveraineté de la Géorgie », et eux ont prétendu que c’était un rêve !

Moscou s’est rapidement débarrassé de ces utopistes et a nommé, en lieu et place, les « grandes gueules »  comme Lénine qualifiait les partisans d’Ordjonikidzé. Ceux-ci ont aussitôt levé le drapeau sanglant et entrepris d’anéantir la nation géorgienne, la traînant plus bas que terre au lieu de la faire dominer. Le massacre des opposants – réitération de la politique du shahabaz[5] !

Comme vous pouvez le constater, même les célèbres communistes ne sont pas parvenus à « infiltrer » Moscou, et les intérêts de la nation n’ont pu être défendus par ces « vassaux». Et cela parce qu’il n’y a pas de porte par où infiltrer Moscou. Toutes ses portes sont gardées à l’exception d’une seule et unique. Par elle ne pénètrent que les « grandes gueules ». C’est aussi la seule entrée dont disposent les liquidateurs, mais la condition préalable pour l’emprunter est de se rebaptiser en grandes gueules et de déifier les terroristes.

L’activité culturelle, la régénérescence économique…s’exclament les liquidateurs. De quelle culture s’agit-il ? De quelle économie ? Si la culture signifie la fermeture des églises, l’ouverture des tchékas, la publication des organes bolcheviques et les sermons du communisme russe – cela, on les trouve en grand nombre en Géorgie et les liquidateurs ne pourront rien y ajouter de nouveau. Si la renaissance économique signifie appauvrir la population par les impôts, tuer l’initiative et l’activité économique, ôter à des milliers de personnes pour donner à des dizaines, alors nous en sommes tous saturés. Par la porte des « grandes gueules » nulles autres provisions culturelles et économiques ne pourront passer.

Le budget, les valeurs – est-il possible que cela ne soit pas une « régénérescence économique » ? Non ! Mille fois non ! Si on écoute Marx, le critère du développement économique est le développement industriel. Mais si on écoute la tchéka – c’est le budget de Sokolnikov. Il y a toute une cohorte de pays dont le budget est juste, ainsi que les valeurs or et argent, mais en dépit de cela, il y règne une hallucinante pauvreté et l’état d’arriération. Par exemple, l’Abyssinie, le royaume du Dahomey, la principauté d’Aman, le territoire du Siam, etc. Le roi Irakli possédait des valeurs or. La France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et de nombreux autres pays industriels se retrouvent avec un budget ébranlé et de faibles valeurs. Est-ce que cela signifie pour autant une régression au stade de l’Abyssinie ? Le B A- BA de l’économie est toujours aussi obligatoire sous le régime soviétique. Le budget de Sokolnikov non seulement supprime et ne régénère pas mais encore prépare une grande catastrophe nationale, étant donné qu’il est construit sur une industrie en ruine, sur un peuple paupérisé, sur la famine, la terreur – en un mot sur la barbarie. De qui serait-ce la renaissance quand on vole systématiquement la nation et que ses biens passent dans la caisse des bolcheviks ? Des bolcheviks évidemment, jamais du peuple.

Ce budget des pauvres ne peut se maintenir qu’avec, et uniquement avec, la méthode abyssinienne – en fermant la porte de l’Europe, en fuyant le marché mondial, et en produisant une économie de cancrelats. Dès que Moscou engagera des échanges commerciaux avec l’Europe, son budget grossira et le rouble soviétique se mettra à tourner sens dessus dessous.

Voilà le désordre idéologique que la défaite de l’insurrection a provoqué. Si on en croit les « communistes », ce désordre a concerné principalement les prisonniers de la tchéka. Là, malheureusement, les détenus, et heureusement pas tous, perdent ce qui est le propre de la santé : le silence, et ils contractent une maladie – la malaria de la parole. Le peuple géorgien s’y est déjà habitué, et ne prête aucune attention aux réflexions extorquées par la tchéka. Que les bolcheviks se consolent avec ça !

4- La lutte nationale et  la lutte des classes

Les réflexions chaotiques suscitées par l’insurrection ne finissent pas là. Il y a peu, Abramovitch nous a reproché dans « Social.-vestnikchi »[6] : vous menez une lutte nationale et non une lutte de classes. Certains se rappellent maintenant qu’ils sont socialistes et qu’ils ne peuvent mettre leur socialisme dans le lit de la lutte nationale.

Que signifie la lutte des classes dans une société bolchevique ?

La lutte des classes signifie la lutte contre l’oppresseur, et elle prend différentes formes selon les époques. Dans une société capitaliste, l’oppresseur est constitué par la classe des capitalistes que caractérisent l’accumulation des moyens de production et la domination du pouvoir politique.

Dans une société bolchevique c’est cette même arme qui opprime – l’accumulation des moyens de production et du pouvoir politique rassemblés entre les mains des bolcheviks. En l’occurrence, l’état n’est rien d’autre que le Comité exécutif du parti bolchevique. Dans aucune autre société, le peuple n’est aussi durement et clairement spolié, au plan des conditions matérielles comme des droits sociaux, que dans la société communiste. A toutes les époques, l’opprimé disposait de quelque garantie sur un droit même insignifiant ; les rapports maître-esclave, ouvrier-patron capitaliste sont définis juridiquement par des lois. Seul le rapport réciproque bolchevique n’obéit pas à une telle définition. Toutes les classes et toutes les personnes sont transformées en ilotes, dépourvus de tout droit, sur lesquels pèse une seule et unique obligation : travailler et faire vivre dignement ces Messieurs les bolcheviks !

C’est clair, la lutte contre le régime bolchevique est une lutte des classes, qui peut se produire dans cette société. Mais c’est également une lutte sociale destinée à détruire les privilèges matériels et politiques, à supprimer les privilèges juridiques. L’abolition de la domination soviétique représente une révolution considérable étant donné qu’ainsi toute une nation se libère de la tyrannie et ouvre un chemin vers le régime démocratique.

Il est vrai que des classes moyennes existent au sein de la société bolchevique ; leurs intérêts sont contradictoires mais, premièrement, ces contradictions sont minimes, à peu près de la taille de celles existant dans la période précapitaliste. Deuxièmement, elles sont cachées par la plus grande discorde sociale existant au sein du régime soviétique et parmi les gens. A première vue, on ne remarque pas cet aspect. Seuls les bolcheviks en accroissant cette discorde parviennent à détourner l’attention des martyrisés. Est-ce qu’un « koulak » causerait autant de préjudice à un paysan qu’un bolchevik ? Au contraire, aujourd’hui, la paysannerie russe reconnaît le « koulak » et le prêtre comme ses « chefs » dans sa lutte contre la violence communiste. Toutes les classes, toutes les catégories de la société sont intéressées à la suppression de cette violence qui leur est faite et par l’acquisition de droits matériels et politiques.

En Géorgie, cette union sociale est encore simplifiée. En l’occurrence, la lutte est à la fois lutte des classes et lutte nationale. Le peuple géorgien n’a pas seulement exprimé un rejet social à l’encontre du bolchevisme, il a aussi réagi contre un conquérant. Les gens se trouvent placés sous trois jougs différents : économique, politique et national. Le combat de la nation pour son indépendance signifie en même temps le combat pour l’indépendance juridique. Le mouvement national du peuple géorgien est largement un mouvement de classe, étant donné qu’il est dirigé contre le principal oppresseur social et politique – les bolcheviks.

Dans une société capitaliste, il est possible que la lutte ne soit ni de classe ni politique. Par exemple, l’Irlande se battait contre l’Angleterre non pour un nouveau système économique ou politique, mais exclusivement pour son indépendance nationale qui n’ébranlait pas le régime social existant. En dépit du caractère purement national de ce mouvement, il était soutenu par tous les partis irlandais qui avaient constitué un front anti-anglais. Si ce n’était pas blâmable pour les Irlandais, pourquoi devrait-ce être blâmable pour la nation géorgienne dont le mouvement national est également un mouvement social ? Ce n’est blâmable que du point de vue des bolcheviks, étant donné que le communisme russe leur apparaît comme le bonheur suprême !

Abramovitch n’appartient pourtant pas à ce camp. Donc, à ses yeux, la lutte contre le régime bolchevique doit être une lutte des classes, à moins que, peut-être, il ne souhaite pas lutter mais seulement… implorer pour obtenir le changement. Ceci est une autre question. La tactique de l’imploration n’est pas décisive en politique. La question est tranchée par le rapport de forces, par le combat seul.

Ainsi, dans la société bolchevique anticapitaliste, le mouvement de libération du peuple prend la forme d’un mouvement social et national. Là se font face, d’un côté, les communistes nantis de droits prioritaires et de l’autre, le peuple privé de tout droit. De là surgira le terrain du front commun de tous les éléments anti-bolcheviks.

Une importante question tactique naît : comment la social-démocratie géorgienne peut-elle produire une lutte commune sans pour autant se dissoudre dans les autres partis ? En la  circonstance, le salut se trouve dans l’idéologie et la pratique du parti, c’est-à-dire dans cette conception sociale et politique qui le différencie des autres et pour la concrétisation de laquelle il se livre à un travail quotidien. La règle fondamentale de notre parti s’exprime à travers son nom : social-démocratie. Le dernier étant le chemin et le pont du premier. Nous pouvons prendre part à ce front qui repose entièrement sur le terrain de la démocratie et de la souveraineté du peuple. Tous les partis socialistes européens font partie de ce front quand l’heure vient.

Il est possible qu’existent dans notre pays des éléments fascistes, des personnes ou des groupes admirant les dictatures. Ils essayeront certainement de prendre le pouvoir dans la Géorgie libérée et d’embobiner le peuple dans leur propagande de classe. Dans ce cas, la guerre civile éclatera et la Géorgie indépendante périra. Nous n’avons rien de commun avec ces éléments. Nous devons nous battre contre eux comme contre les bolcheviks.

L’idéologie du parti ne s’exprime pas seulement par son but et ses moyens, mais aussi dans son travail pratique. Défendre les intérêts quotidiens de l’ouvrier, du paysan, du citoyen et les relier à la domination d’un autre ordre social, doit être le sens du travail du parti. Le parti doit conserver son rôle hégémonique, regrouper autour de lui, et inscrire dans sa tactique tous les autres partis et éléments mécontents. Il ne doit pas lâcher les rênes du mouvement et doit lui insuffler l’idéal social-démocrate. En cette époque de transition, le travail essentiel du parti s’exprime dans l’organisation et la propagande-agitation. Remettre sur pied un parti désorganisé ou détruit, le remettre politiquement sur les rails, propager largement ses idées, voilà l’objet de ses activités courantes. Le peuple a non seulement besoin d’un but politique final – la libération du pays – de sermon, mais aussi de l’explication-interprétation des événements quotidiens et de direction dans la lutte quotidienne. Seule l’idéologie socialiste peut lutter efficacement contre le bolchevisme et elle doit pleinement s’appuyer sur l’action social-démocrate.

Tous les courants politiques géorgiens, même les bolcheviks, reconnaissent que la question nationale est la question essentielle. Rendez-vous compte ! On a volé à des personnes libres et politiquement mûres, la liberté, la conscience individuelle, la maturité politique et on les a mis aux fers ! Cette humiliation physique tourmente leur âme fière, et de là naît la tragédie nationale. La social-démocratie aurait été une secte et non un parti de masse si elle n’avait fait sien le martyre de la nation et si elle ne s’était transformée en pivot du mouvement.

Le marxisme n’est pas un psautier qu’un diacre répète immuablement. C’est une méthode vivante avec laquelle il faut s’adresser à une société vivante et lire ce qui est écrit dans son cœur. Or, des histoires différentes appartenant à différentes époques y sont inscrites. Alors, malheur au parti qui rabâche la sempiternelle même histoire apprise par cœur. Le parti social-démocrate n’a jamais été attaché à cette myopie doctrinale, et c’est en cela que réside sa force. Tant qu’il suivra ce chemin, il sera immortel ; dès qu’il sera tenté par le sectarisme, il deviendra la proie de l’ennemi.

Conclusion

La Géorgie captive a tenté de prendre un chemin pour se libérer de captivité, pour chasser les Moscovites par ses propres forces. Elle n’a pas atteint son but. Ce moyen ne s’est pas avéré adéquat. Mais, il reste d’autres voies, d’autres moyens plus forts et plus puissants. Ce sont les crises internes et externes du gouvernement soviétique qui, peu à peu, se rapprochent et nous préparent des alliés fidèles. Ce sera la lutte finale, celle qui accorde la vie et la liberté.

5000 victimes innocentes nous regardent ; 5000 tombes creusées nous invitent à la fidélité. Une nation combattante n’oubliera pas leurs commandements et n’abandonnera pas leurs tombes aux cris des corneilles et des corbeaux.

15 janvier 1925. Paris

Traduction du géorgien en français par CPB


[1] Matériaux, 1924

[2] Marx, « Révolution et contre-révolution »

[3] Marx, « Révolution et contre-révolution », p. 188

[4] La délégation conduite par A. A. Purcell* que Moscou a amené en Géorgie pour relever son prestige, a échoué totalement en Europe. Au congrès de Bruxelles de janvier, la IIème Internationale est entrée en campagne contre elle, tout comme l’Internationale d’Amsterdam, le parti travailliste anglais et tous les autres partis socialistes. (*note du traducteur : délégation des dirigeants des syndicats britanniques conviée en 1924 par L’Union soviétique.)

** note du traducteur : Revel : ancien nom de Taline (Estonie)

[5] Pour plus de détails voir « Matériaux du parti communiste  géorgien. Pour compte-rendu» (en langue russe). 1924. Tbilissi.

6] « Les nouvelles socialistes »


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